L’émergence de l’intelligence artificielle, de l’apprentissage automatique, ou encore de la robotique entraînent un besoin croissant en soft skills. Et ce, notamment en ce qui concerne l’intelligence émotionnelle. On désigne cette dernière par la capacité à reconnaitre, comprendre et gérer nos propres émotions comme celles des autres. En 2020, le Forum Économique Mondial a même ajouté l’Intelligence émotionnelle aux 10 principales compétences du Future of Work.
Après les bouleversements introduits par la pandémie sur la manière dont nous travaillons et interagissons avec nos collègues, partenaires ou même clients, être plus à l’écoute de ses émotions et de celles de nos interlocuteurs est une condition essentielle à la création de lien, en dépit de la distance. Encore faut-il comprendre quelle réalité elle englobe dans le milieu du travail, et en particulier en matière de management. Mais aussi (et surtout) comment la développer et l’encourager au sein de ses équipes !
Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle ?
L’intelligence émotionnelle est une construction relativement nouvelle. Cependant, tous les experts s’accordent pour dire que son impact sur notre manière de travailler sera déterminant à l’avenir. Bien que le premier article universitaire sur l’intelligence émotionnelle soit paru en 1990, le sujet s’est réellement démocratisé en 1995. Dans son essai Emotional Intelligence: Why It Can Matter More Than IQ, le journaliste scientifique Daniel Goleman en précise les contours.
L’intelligence émotionnelle est la capacité d’identifier et de gérer ses émotions personnelles ainsi que les émotions des autres. Dans le monde du travail, elle aide à nouer des relations plus solides, à renforcer notre résilience et à atteindre nos objectifs. Parvenir à anticiper son ressenti et ses émotions dans une situation donnée permettrait en effet de mieux évaluer la réaction de son interlocuteur dans un environnement similaire. Et ce faisant, de créer des interactions sociales plus favorables de part et d’autre !
Les personnes « émotionnellement intelligentes » acquièrent ainsi des aptitudes sociales telles que la capacité de résoudre des conflits, de transmettre des connaissances ou de gérer des équipes. Goleman la divise en 4 compétences clés :
- La connaissance de soi ;
- L’auto-régulation ;
- La conscience sociale ;
- Le management relationnel.
Pourquoi intelligence émotionnelle et management font-ils la paire ?
Les cas de solitude, de dépression, et d’autres problèmes de santé mentale au travail inquiètent toujours plus les entreprises. En effet, ces tendances sont à la hausse depuis plusieurs années.
Cependant, elles représentent aussi une opportunité pour les dirigeants. Afin de lutter contre ces nouvelles « maladies » professionnelles, une solution serait (selon la recherche) d’augmenter l’engagement de leurs employés en valorisant leur intelligence émotionnelle.
Si on en croit le Projet Aristote de Google, une équipe performante a besoin de trois éléments fondamentaux :
- une forte conscience de l’importance de ses liens sociaux (ou sensibilité sociale) ;
- un environnement dans lequel chaque collaborateur peut s’exprimer sur un pied d’égalité ;
- une sécurité psychologique permettant à chacun de se montrer tel qu’il est sans craindre des conséquences négatives.
Pour réunir et exploiter ces trois éléments, toute organisation aura besoin d’un leader émotionnellement intelligent. Si toutes les conditions sont réunies, ce dernier sera en mesure de créer un sentiment d’appartenance et de “care”. Et lorsqu’un tel sentiment est créé, les résultats en termes de performance sont impressionnants. Les collaborateurs seront en effet :
- 10 fois plus susceptibles de recommander leur entreprise comme un excellent lieu de travail ;
- 9 fois plus susceptibles de rester dans leur entreprise pendant trois ans ou plus ;
- 7 fois plus susceptibles de se sentir inclus au travail ;
- et 4 fois moins susceptible d’être exposés au stress et au burnout.
Les entreprises s’inquiètent de plus en plus de la santé mentale et émotionnelle de leurs employés
Alors que de plus en plus d’entreprises prennent conscience de l’importance (et de l’obligation légale) d’assurer la santé mentale de leurs employés, certaines organisations ouvrent la voie en la priorisant encore davantage. Fragilisés par la distanciation sociale imposée et un climat économique incertain, des employeurs comme Nike, Bumble ou LinkedIn acceptent ainsi de fermer leurs bureaux pour plusieurs jours. L’objectif derrière cette décision ? Offrir une pause à leurs salariés pour leur permettre de se ressourcer et de réduire leur stress lié au contexte sanitaire et socio-économique. Car derrière le stress, se cache un risque plus élevé de burnout…
L’entreprise EY (anciennement Ernst & Young) a quant à elle lancé le programme « R U okay ? » (littéralement “Tu vas bien ?”) en 2016. Cette initiative a permis à l’entreprise d’intensifier les discussions autour de la santé mentale au travail et d’offrir plus de services à ses employés. Au cours des trois premiers mois, EY a constaté une augmentation de 30% des appels à sa ligne d’assistance !
Chez Microsoft, les employés partagent également leur vécu en matière de santé mentale. Les échanges sur le sujet se réalisent ainsi de manière organique plutôt que par le biais d’un programme. Ils sont néanmoins renforcés par l’initiative Microsoft Cares, qui offre des conseils en personne, par email ou téléphone. L’entreprise propose également des groupes de soutien et des ateliers pour les employés qui en ressentent le besoin.
Dans quelles conditions intelligence émotionnelle et management peuvent-ils prospérer ?
Le sujet de l’intelligence émotionnelle est devenu l’une des thématiques clés en matière de leadership. Ce trait que l’on peut de mieux en mieux mesurer, mais aussi développer, affecte concrètement la manière dont une entreprise et ses dirigeants encadrent et engagent leurs équipes.
Mais concrètement, quelles sont les conditions pour concilier posture de manager et intelligence émotionnelle ?
Une conscience de soi élevée
La conscience de soi est le point de départ de l’intelligence émotionnelle. Cette conscience accrue permet de mesurer votre propre compréhension de vos forces et faiblesses, et de l’impact qu’elles auront sur vos relations avec les autres.
Les leaders « émotionnellement intelligents » sont capables de ressentir (et donc d’anticiper) la manière dont leurs collaborateurs réagissent à leur leadership. Ils le font en prêtant attention aux signes non verbaux et en encourageant les interactions positives avec leurs collaborateurs.
Intelligence émotionnelle et management empathique
D’après Daniel Goleman, l’empathie est l’un des piliers de l’intelligence émotionnelle. Un manager disposant de cette qualité en fera usage pour comprendre les positions, situations et sentiments de ses collaborateurs.
C’est une condition sine qua none pour pouvoir surveiller et booster le bien-être de chacun au travail. L’empathie et la bienveillance incitent également le respect des collaborateurs, tout en les encourageant à donner le meilleur d’eux-mêmes.
Maîtrise et confiance en soi
Un leader « émotionnellement intelligent » ne se laisse pas submerger par ses émotions, en particulier ses émotions négatives. Il lui est nécessaire de prendre du recul sur son ressenti et de l’analyser avant d’en tirer des conclusions hâtives.
Par ailleurs, en cas d’erreur, un leader « émotionnellement intelligent » ne pointe personne du doigt. Au contraire, il s’illustre par sa capacité à prendre du recul et évaluer la source du problème, en expliquant les conséquences à ses équipes pour trouver avec eux des solutions pertinentes. Cette méthode permet une prise de risque moindre, et la création d’un environnement propice à la croissance et à l’apprentissage.
Un manager faisant preuve d’intelligence émotionnelle aura la même tolérance envers lui-même. Il sera capable de mieux évaluer ses forces et ses faiblesses, et donc d’être plus réaliste quant à ce qu’il peut accomplir. Il acceptera également mieux les critiques, sans pour autant qu’elles n’ébranlent sa confiance en lui.
L’impact de l’intelligence émotionnelle se fait ressentir à tous les niveaux de l’organisation
Ainsi, l’intelligence émotionnelle est essentielle pour créer un environnement de travail sain et productif. Et même si elle se révèle cruciale en matière de management, elle joue aussi un rôle déterminant à tous les autres niveaux d’une organisation :
- La productivité individuelle. Suite à l’augmentation spectaculaire des connaissances requises pour exercer n’importe quelle fonction, mais aussi la complexité des processus métier, chaque rôle nécessite plus que jamais une collaboration étroite ;
- Les relations clients. Les entreprises qui excellent sont celles qui parviennent à établir un lien émotionnel avec leur cible ;
- La vente. La capacité à anticiper et comprendre les besoins de ses clients, ainsi que la résilience nécessaire pour accepter leur désaffection vont de pair avec l’intelligence émotionnelle. Une étude menée par Sanofi Aventis a révélé qu’un groupe de vendeurs formés à l’intelligence émotionnelle obtient des résultats de 12% supérieurs à leurs pairs ;
- La collaboration entre les collaborateurs issus de différentes générations. De nombreux managers ont constaté que les équipes présentant des niveaux élevés d’intelligence émotionnelle travaillent mieux ensemble. Et ce, même lorsque les différences d’âges sont importantes. Millenials et travailleurs plus seniors tendent ainsi à se comporter de manière similaire, et à développer un sens partagé des valeurs et de leurs capacités respectives.
4 conseils pour développer son intelligence émotionnelle
Vous êtes convaincu du lien entre une intelligence émotionnelle élevée et un management efficace ? Voici 4 bonnes pratiques pour vous aider à développer cette compétence !
- Privilégier un style de communication affirmé. La communication assertive contribue grandement à gagner le respect de ses collaborateurs, sans paraître trop agressif, ou au contraire trop passif ;
- Répondre plutôt que réagir aux situations conflictuelles. Un manager « émotionnellement intelligent » ne prend pas de décisions impulsives. Il cherche plutôt à résoudre le conflit en alignant ses actions et ses paroles ;
- Développer une écoute active. Un bon manager doit s’assurer de comprendre ce qui est dit avant de répondre. Il analysera ainsi les éléments non verbaux de son interaction, afin d’éviter tout malentendu. Il lui est aussi nécessaire de faire comprendre à son interlocuteur qu’il est écouté, et entendu ;
- Pratiquer une conscience émotionnelle active. Prenez le temps de réfléchir à vos émotions et à leur influence sur vos réactions et votre comportement au travail. Vous pouvez pratiquer la pleine conscience ou la méditation, si cela vous convient. Un autre moyen efficace de développer une plus grande conscience de soi est de tenir un journal dans lequel vous écrirez vos pensées et vos objectifs. Cette méthode vous aidera à détecter et à corriger les schémas de pensée et les comportements contre-productifs !