Et si on imaginait une école 100% personnalisée, où chacun optimiserait sa progression en continu grâce à des contenus évolutifs ? Mieux encore : où les programmes éducatifs s’adapteraient aux méthodes les plus efficaces pour chaque élève ? Ce scénario qui ressemble fort à un épisode de Black Mirror existe déjà. Son nom ? L’adaptive learning. Cette méthode futuriste prend sa source en Chine, où depuis plus de 10 ans, des professeurs, scientifiques et chercheurs construisent les outils pédagogiques hyper-personnalisés de demain. Plus de 1000 écoles et universités y éprouvent déjà cette innovation basée sur l’Intelligence Artificielle, qui pourrait bien transformer la manière dont on apprendra au 21ème siècle. Décryptage.
L’apprenant au centre, le big data autour
Le besoin de personnalisation de l’enseignement ne date pas d’hier, nous explique Stefan Crisan, directeur des opérations d’EDHEC Online depuis plus de 15 ans. Et pour cause, commente Stefan, “nous avons remarqué par rapport à nos efforts d’optimisation pédagogique, que plus le participant est engagé dans sa formation, plus il a de chances de réussir, et plus la qualité de son expérience d’apprentissage augmente”.
« À l’aide de ces données, on peut personnaliser les cursus en fonction des préférences d’apprentissage. »
Stefan CRISAN, Directeur des Opérations, EDHEC Online Programmes
L’adaptive learning est, selon ce professionnel, “une manière d’adapter l’éducation aux besoins d’un étudiant donné”. Il repose sur le constat que chaque individu apprend de manière individuelle (rythme et méthode), est sensible à une pédagogie donnée et “bloque” sur des éléments différents de ses pairs. L’adaptive learning rentre dans cette catégorie, c’est une façon de le faire. Grâce aux données récoltées, explique Stefan, “on dispose d’un formidable réservoir d’informations, puisqu’on enregistre les comportements d’apprentissage de chaque personne en ligne. À l’aide de ces données, on peut personnaliser les cursus en fonction des préférences d’apprentissage. Par exemple, certains étudiants apprennent mieux en regardant des vidéos, en lisant des textes, en écoutant des podcasts…”.
En effet, plus de 4500 travaux de recherche ont caractérisé les différents profils qui existent a priori, suggérant que chacun apprend à sa manière. Profil “visuel”, “auditif”, “kinesthésique”… certains d’entre-nous croiseraient même plusieurs de ces préférences pédagogiques, ce qui rend l’équation d’autant plus complexe pour les enseignants.
Pour autant, un professeur qui encadre 30 élèves, et a fortiori un universitaire devant un amphithéâtre comble ne peuvent pas se pencher par-dessus l’épaule de chacun. Adapter le contenu éducatif à chaque élève semble être une utopie… Ce que l’enseignant ne peut pas faire est donc laissé, en adaptive learning, au big data. Pranav Kothari travaille sur le sujet depuis dix ans en Inde. Pour lui, « L’idée est d’aborder le problème comme le ferait un ingénieur : comprendre où un élève doit s’améliorer, construire des solutions pour l’y aider et les mettre en place par l’itération. »
Dan Bindman est Chief Data Scientist chez Yixue Squirrel AI Learning, une startup de l’EdTech qui inonde les écoles chinoises de programmes éducatifs personnalisables grâce à l’IA. « L’adaptive learning repose sur du big data dans le sens où l’interaction d’un étudiant avec le contenu éducatif doit permettre de poser un diagnostic sur ce qui doit être retravaillé, explique l’ingénieur. On découpe le contenu en modules composés de groupements de questions pour vérifier si un étudiant maîtrise un sujet donné ».
Chez 2DL, un autre géant de l’adaptive learning, le logiciel “Brightspace”, agrège la donnée relative à un étudiant au même endroit, quelle que soit sa source. Puis, il construit le schéma d’apprentissage de l’étudiant ainsi que des rapports pédagogiques et des modèles prédictifs de données. Le professeur a accès à ces visualisations, qui lui servent à comprendre ce dont a besoin l’étudiant pour réussir. « Auparavant, précise Nick Oddson, Senior Vice President of Product chez D2L, on mesurait le niveau d’un étudiant et repérait ses lacunes au travers de tests standardisés. Grâce à notre outil, la donnée peut être stockée et analysée dans le temps pour comprendre quels contenus sont les plus efficaces« .
Au contraire de l’éducation traditionnelle, dont l’approche consiste à faire apprendre la même chose à 30 étudiants au même moment — sans que l’on tienne compte des progrès de chacun — l’adaptive learning permettrait donc une approche hautement individualisée pour optimiser les avancées de chaque personne. Un projet séduisant sur le papier : mais est-il réalisable ?