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Design Thinking : où en est-on avec cette méthode ?

Présentée comme un ensemble d’outils facilitant l’innovation, la pensée conceptuelle du Design Thinking a été adoptée avec enthousiasme et, dans une certaine mesure, sans réel esprit critique, par les entreprises et les universités. 

Pourtant, si le Design Thinking est si formidable, on s’attendrait à ce que plus de designers en fassent l’éloge. Et à ce que sa pérennité dépasse les quelques années de popularité que le concept a connu depuis son émergence. Pourtant, les critiques portées contre cette méthode sont nombreuses dans le milieu du design. C’est ainsi l’avis de la graphiste de Pentagram, Natasha Jen, qui déclarait en conférence « Design Thinking is Bullshit ».

Cette dernière s’y plaint notamment que le Design Thinking est devenu un mot à la mode, vidé de son sens. Mais en réalité, le problème est bien plus profond que cela. Ce processus simple et linéaire est-il vraiment la voie royale vers une conception plus innovante et inclusive ? Pas si sûr…

Nous vous proposons dans cet article un tour d’horizon des pratiques et avis liés au Design Thinking !

design thinking

Qu’est-ce que le Design Thinking ?

Le Design Thinking est un processus itératif qui implique de comprendre les attentes de ses utilisateurs. Il consiste ainsi à remettre en question un ensemble d’hypothèses initiales, et à redéfinir les problèmes de conception en fonction. Le tout, dans le but de créer des solutions innovantes que vous pouvez prototyper, tester et itérer rapidement. 

L’objectif global du Design Thinking est donc d’identifier des stratégies et des solutions alternatives qui ne viendraient pas immédiatement à l’esprit avec notre niveau de compréhension initial usuel. Plus qu’un simple processus, la pensée conceptuelle a surtout été vendue comme une méthode plus efficace, accessible à tous et applicable à tous les domaines (y compris l’éducation). 

Ses défenseurs insistent également sur son aspect scientifique. La méthodologie repose en effet sur l’expérience de porteurs de projet, mais aussi sur de la donnée empirique. 

 

Un outil profondément conservateur ?

Les critiques n’ont cependant pas tardé à se faire entendre. Elles sont multiples, mais soulignent généralement le flou artistique autour de la définition même de Design Thinking. Selon eux, cette méthode ne serait finalement rien d’autre que du bon sens, repackagé dans un langage plus théorique pour vendre des prestations onéreuses.

Mais pour beaucoup, ces critiques (bien que justifiées), passent à côté du principal problème  du Design Thinking. À savoir, qu’il s’agit d’une stratégie très conservatrice, dont le principal effet secondaire est de préserver le statu quo.

En effet, le Design Thinking place le rôle du Designer au-dessus de tous. Il freine ainsi la participation des autres parties prenantes et limite la portée de leurs idées. Leur potentiel est pourtant d’autant plus innovant qu’il est enrichi d’expériences et expertises connexes !

 

Design Thinking et statu quo

L’autre problème avec le fait de privilégier le rôle du Designer (voir d’un petit cercle de  Design Thinkers) est de limiter la diversité d’idées et donc le potentiel d’innovation. Lorsque le Designer contrôle le processus de conception, le potentiel de connexions se limite non seulement à ce qu’il considère comme significatif, mais également aux relations entre les idées qu’il peut imaginer. 

Ce manque de diversité dans les perspectives a donné, par exemple, un projet de construction de pompes, abandonnées par leurs bénéficiaires, car rendues inutilisables par la rouille. Ou encore, la distribution de chaussures usagées aux personnes à petit budget, comme argument marketing pour vendre de nouveaux modèles. 

Au-delà des dimensions politiques, la méthode est particulièrement mal adaptée aux domaines qui connaissent une évolution rapide ou aux environnements incertains. Une fois la phase de conception achevée, le Design Thinking ferme la porte à de nouvelles alternatives. 

C’est particulièrement visible dans l’adaptation au changement climatique, où les solutions proposées sont souvent stéréotypées ou rigides. Un très bon exemple est celle qui a été imaginée suite au passage de l’ouragan Sandy à New York dans le cadre du concours Rebuild by Design. La construction d’un mur censé protéger Manhattan des flots ne répondait pas aux problématiques de sobriété énergétique. Pire encore, elle ignorait complètement son impact sur le coût de l’immobilier ! Un impact négatif sur les classes populaires, forcées à migrer vers les périphéries de la ville. 

Pour beaucoup d’observateurs, le Design Thinking permet donc de faire passer des solutions conventionnelles comme des innovations révolutionnaires. Et malheureusement, de continuer à faire comme si de rien n’était…

 

Une alternative moins human-centric

Le Design Thinking implique souvent d’immerger des équipes pendant de longues périodes dans le processus de conception et de développement. Ce qui, pour les entreprises, représente des coûts considérables, aussi bien en termes de temps que d’argent. D’autant plus que, comme on l’a déjà vu, l’adoption de la méthode implique le plus souvent de faire appel à un expert qui, une fois sa mission terminée, laisse parfois les organisations désarmées.

Un bon moyen de résoudre ces problèmes consiste à adopter une approche alternative au Design Thinking. Une approche qui équilibre mieux le processus de conception traditionnel avec l’impératif de collaboration. C’est ce que certains appellent le System Thinking qui, comme son nom l’indique, consiste à identifier les besoins et les intérêts de chaque partie prenante dans l’écosystème d’un produit. Puis, de le concevoir en fonction des retours de chacune, ou de la plus influente. 

Contrairement au Design Thinking, centré sur l’humain, la pensée systémique est donc davantage centrée sur les parties prenantes et leur interaction les unes avec les autres. Dans la même veine, on parle aussi désormais plus de Humanity-centric Design, en mêlant expérience utilisateur exceptionnelle et solution durable. Le Design Thinking est également remodelé par la pensée inclusive, qui souligne l’importance de la diversité des personnes impliquées dans le processus d’innovation. 

 

Design Thinking et Big Data : le nouveau duo gagnant ?

La démocratisation du Big Data devrait également changer la donne en matière de Design Thinking. L’accès à un gros volume de données, de plus en plus affinées, permet notamment aux entreprises de mieux comprendre les besoins de leurs utilisateurs. Elles peuvent donc désormais y répondre plus efficacement. 

À l’avenir, les Data Scientists feront aussi partie intégrante des équipes de Design Thinking. Non seulement pour mettre à jour les modèles de comportement d’un public cible, mais aussi pour aider les Designers à identifier les solutions possibles. 

Pour survivre et tenir ses promesses, le Design Thinking devra donc se débarrasser de ses silos. Et enfin, favoriser une collaboration étroite et un réel engagement de toutes les parties prenantes…

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