Finance verte. Ce mot est aujourd’hui employé à tout bout de champ dans la presse, créant une vaste nébuleuse de confusion. Pourtant, le concept est relativement simple ! La finance verte désigne un ensemble d’outils financiers qui participent à la transition énergétique. Parmi ces outils, on peut citer les “green bonds”, des obligations servant à financer des projets écologiques.
La finance verte se matérialise également sous la forme de fonds d’investissement thématiques. Ces derniers se concentrent sur certains axes de développement durable : les énergies propres et renouvelables, par exemple.
Si cette branche plus vertueuse de la finance n’en est qu’à ses débuts, l’année 2023 a été particulièrement charnière.
Zoom sur l’actualité de la finance verte, les acteurs qui la façonnent et les défis des mois à venir…
Le nouveau pacte financier mondial
Les 22 et 23 juin derniers, Paris a accueilli le sommet international de la finance mondiale. Ce dernier devait notamment retracer les grandes lignes de notre système financier international. Mais aussi, mettre en place des mesures concrètes pour soutenir les pays du Sud, fortement touchés par le changement climatique.
À cette occasion, de nombreuses ONG se sont mobilisés pour faire émerger des mesures concrètes. Oxfam a par exemple rappelé que 27 000 milliards de dollars devront être investis pour « lutter contre la pauvreté, les inégalités et faire face aux changements climatiques dans les pays en développement » d’ici à 2030.
CARE France, dans sa campagne “Stop à l’impunité des super pollueurs”a quant à elle rappelé aux gouvernements l’importance de taxer les superprofits, notamment des secteurs les plus pollueurs comme les entreprises fossiles. De son côté, ONE a lancé la campagne #FundtheFuture. Cette dernière appelle à réformer les banques multilatérales de développement et libérer de nouveaux fonds en faveur du développement.
Mais si les doléances étaient ambitieuses, aucune annonce concrète n’a émergé de ce sommet. Ce dernier a plutôt servi de caisse de résonance aux acteurs de la finance verte. Mais aussi, de répétition du prochain G20 et de la COP28 ! Il paraît en effet plus probable que ces évènements permettent de faire émerger des engagements concrets de la part des pays du Nord.
Une accélération de la finance verte en 2023 ?
Bonne nouvelle : selon les observateurs, l’année 2023 a vu un investissement record dans la finance verte. Entre nouvelles réglementations, de meilleurs outils d’évaluation et l’engouement des investisseurs, JP Morgan considère que 2023 a représenté un terreau fertile pour une accélération de la transition vers une finance verte.
Par ailleurs, le cadre réglementaire se précise. Et notamment grâce à la Commission européenne qui a multiplié les textes en lien avec son ambition de neutralité carbone. En 2023, les entreprises européennes seront en effet obligées de déclarer la part de leur chiffre d’affaires issu d’activités considérées comme durables par l’Union Européenne.
Les exigences des fonds « verts » se sont également intensifiées. Il est ainsi devenu obligatoire de demander aux clients investisseurs quelles sont leurs attentes en matière de durabilité. Par exemple, la part de leur portefeuille qu’ils souhaitent y consacrer.
Mais JP Morgan souligne également une prise de conscience des enjeux économiques et du besoin d’accélérer la transition énergétique face aux conséquences de la guerre en Ukraine.
Coline Pavot, responsable de la recherche investissement responsable de La Financière de l’Echiquier, est néanmoins moins optimiste. Elle observe de son côté une confrontation entre les promesses des acteurs de la finance verte et la réalité économique. Dans les faits, un faible pourcentage des entreprises a réellement aligné leur activité avec les objectifs de l’accord de Paris. Une réalité qui ouvre un point de vigilance, face à des stratégies de désinformation toujours plus fines.
Attention à l’écoblanchiment
Parmi les principales inquiétudes des observateurs et partisans de la finance verte, on retrouve l’écoblanchiment, ou greenwashing.
En effet, les sociétés de gestion comme les entreprises sont de plus en plus tentées de surfer sur la sensibilité accrue des citoyens aux enjeux environnementaux. De fait, elles proposent massivement de nouveaux fonds dits “durables” ou “verts”. Or, une étude de l’UFC que Choisir a révélé des failles considérables dans la construction de ces fonds. Ces “mauvaises pratiques” relèvent pour l’association d’une forme de blanchiment vert.
Après avoir passé au crible 8 fonds dits “durables” proposés par banques et des assureurs, il en ressort que la grande majorité de ces derniers n’ont en réalité aucune obligation de respecter des exigences minimales en la matière. En l’absence d’un encadrement plus strict, on se retrouve face à de véritables contresens écologiques. Pour ne donner qu’un exemple, les fonds d’Amundi et de Groupama Assets Management ne prennent en compte la durabilité de leurs investissements qu’à 37 et 33 %. Ainsi, les critères sans aucun rapport avec l’environnement restent très largement majoritaires.
L’association pointe également le laxisme du label ISR porté par Bercy. Selon son enquête, il n’empêche pas les fonds labellisés “Finance Verte” d’investir dans le secteur des combustibles fossiles. Ni d’aligner leurs investissements avec l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050…
La BCE se dote d’indicateurs climatiques pour booster la finance verte
Ainsi, le bilan de la finance verte en 2023 s’affiche plutôt en demi-teinte. Mais pour finir sur une touche plus positive, la Banque Centrale européenne a annoncé vouloir mesurer comment le changement climatique affecte le secteur financier. Les nouveaux indicateurs créés permettront de dresser un état objectif des lieux pour ses acteurs. Ils devraient également faire émerger des recommandations concrètes pour que ces derniers participent plus activement à la transition.
Sa présidente, Christine Lagarde, a en effet régulièrement sonné la tirette d’alarme concernant le manque d’informations qui lui permettrait d’avoir une image fiable des effets du secteur de la finance sur le climat. Les nouveaux outils de mesure qu’elle a mis au point sont répartis en 2 catégories :
- Pour la finance dite « durable » : recenser les instruments de dette affichés comme verts, sociaux ou durables ;
- Pour les émissions de carbone : des indicateurs mesurant l’intensité carbone des portefeuilles de titres et de prêts. Ou leur exposition à des contreparties très émettrices de CO2.
Ainsi, la finance verte s’impose de plus en plus comme la voie à suivre pour les acteurs privés et publics. Elle est notamment poussée par des citoyens très engagés sur ces sujets, mais aussi par un milieu associatif plus revendicatif. Ces deux forces vives seront absolument indispensables pour continuer à mettre la pression aux acteurs financiers. Mais aussi aux Etats, afin de créer un cadre réglementaire réellement contraignant, sans lequel la finance verte risque de s’essouffler. Affaire à suivre…