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[Etude] La nostalgie fait sa révolution

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Dans le cadre de la publication d’un ouvrage sur la nostalgie intitulé « Revolutionary Nostalgia », Marie-Cécile Cervellon, Professeure de Marketing dans les formations onlines de l’EDHEC Business School et Stephen Brown ont essayé de montrer; comment ce retour collectif sur le passé, loin de faire régresser, est une source d’inspiration, de créativité, de renouveau.

revolutionary nostalgia

L’époque est à la nostalgie : Réédition, reconstitution, remakes, restauration, résurrection, rétrospection, réincarnation, réorganisation, ré…REVOLUTION (au sens étymologique). Carambars de notre enfance, absinthe interdite de fabrication, publicité retro vantant le hamburger à travers les époques, slogans faisant référence à notre passé révolutionnaire (« Gilets jaunes, sans culottes » ; « Et bien donnez-leur du biocarburant ! »). Dans la mode presque toutes les maisons revisitent leurs archives (Yves Saint Laurent) et relancent des modèles inspirés du passé. Dans l’automobile, les voitures alliant un look retro au confort 2.0 ont le vent en poupe (Fiat 500, Mini, Alpine). Depuis plus de 20 ans, la nostalgie est la dominante culturelle.

La nostalgie à travers les âges

La nostalgie n’est pas un état solitaire de mélancolie ou un retour sur un passé fantasmé qui conduirait à la dépression, comme elle a pu être décrite depuis le XVIIe. Au contraire, la nostalgie du XXIe siècle est salutaire: elle est collective, communautaire, et résistante. La nostalgie est une méthode révolutionnaire de critique du présent. A l’aune du passé, nous avons une clé de compréhension de l’époque et une inspiration pour le futur.

« La nostalgie peut transformer la société, émanciper les minorités et changer le cours de l’histoire »
Marie-Cécile CERVELLON, Professeur de Marketing EDHEC Business School

Les caractéristiques de cette vague de nostalgie

Le livre met en évidence les traits correspondant à ce mouvement.

Sa convivialité

Dans un monde dominé par les réseaux sociaux qui isolent les individus, la nostalgie du XXIeme siècle, « la neostalgie », est salutaire ; c’est un phénomène collectif qui encourage l’émergence de communautés autour d’une passion (les 60’s, le Bauhaus, la photographie argentique ou les cupcakes) ou d’actions politiques (démocratie directe, assemblées citoyennes). La neostalgie se partage. La nostalgie des XIXe et XX siècle est plus intime.

Son ubiquité

Elle est présente dans tous les secteurs, du cinéma, la musique, l’électroménager, l’automobile, et même la politique avec les manifestations de Mai 68 revisitées par les Gilets Jaunes cinquante ans plus tard.

Son universalité

De Shanghai à Dubai, de Paris à Berlin (l’Ostalgie ou retour sur l’Allemagne de l’Est), le passé est cultivé à travers commémorations, artefacts commerciaux et même parcs à thème (Puy du Fou)

Sa résistance

Probablement née à la fin du siècle dernier (le film Titanic), comme une manière de conjurer la peur du passage à l’an 2000 en se rattachant à un passé rassurant, la tendance collective à la nostalgie perdure depuis deux décennies et prend de l’ampleur.

Cette vague de nostalgie a des accents de résistance qui consiste à dire non au conformisme et à une image androcentrique imposée de la femme, dire non au jeunisme Botox-French Manucure, dire non à la dictature des réseaux sociaux, dire non aux diktats de la mode actuelle, slim-fit, Kleenex et McFashion. Les générations les plus jeunes (Génération Z) sont à l’origine de la renaissance de marques comme Fila ou Champions.

La nostalgie dans l'air du temps

Les raisons de cette longévité

Les deux auteurs identifient un faisceau de raisons pouvant expliquer la persistance de cette nostalgie :

Le vieillissement de la population et la volonté de transmission « du bon et beau » aux nouvelles générations. La série « Quand papa/maman avait ton âge » illustre très bien cette idée.

La crise financière de 2008, la crise européenne enclenchée par le Brexit, la crise des migrants, font rechercher dans le passé les clés de notre reconstruction financière et sociale.

Les attentats terroristes, la guerre larvée avec l’état islamique, l’apocalypse du réchauffement climatique, font entrevoir un futur toujours plus sombre et chercher la lumière de l’autre côté du tunnel

Le sentiment d’isolement dans notre société hypra connectée, l’anxiété générée par la tyrannie du Like, le culte de l’image et la mise en scène du Moi, la vitesse de propagation des news et des fake news, poussent à se ressourcer à des époques de Dolce Vita, d’éloge de la lenteur, de l’authenticité des relations.

Le stockage quasi-illimité de photos et d’archives audio et video, l’accès instantané et en majeure partie gratuit qu’offre internet facilite le retour sur le passé. Grâce à ces aide-mémoire en ligne, le passé n’a jamais été aussi présent, aussi réel.

Ils attestent du succès de la nostalgie…

Les reliques : les antiquités ou objets vintage d’époque, qui ont une histoire, un héritage comme un Scooter Lambretta de 1947

Les reproductions : les copies modernes d’objets anciens, légèrement adaptées à notre époque (par exemple un Lambretta qui roule à l’essence sans plomb)

Les renaissances : les objets iconiques comme les appareils photo Polaroid, les marques endormies comme Suze ou Orient Express, dont on dépoussière et rajeunit le look

Les répliques : Des produits ou marques totalement nouvelles qui s’inventent un passé et/ou imitent le style d’une époque (par exemple la marque Benefit Cosmetics 50’s style

Communauté néoburlesque : la place des femmes en révolution

Au cœur de son enquête sur la nostalgie, Marie-Cécile Cervellon, s’est immergée pendant plus de deux ans dans la communauté Neoburlesque, « une communauté de femmes qui militent pour une beauté féminine décomplexée, dans toute sa diversité, en se réappropriant les codes rétro du féminin et en les mettant en scène, dans leurs activités de loisir ou professionnelles. »

A travers ces femmes, les auteurs font le portrait de la nostalgie du XXIe, rassembleuse face à la solitude 2.0, résistante face au conformisme du goût et des idées, et révolutionnaire.

BIO

Marie-Cécile Cervellon, Ph. D., est Professeur de Marketing à l’EDHEC Business School. Experte en gestion de marque et marketing du luxe, ses recherches se concentrent sur la gestion de marque sur les médias sociaux et le marketing d’influence. Un second axe de recherche, vise à comprendre les tendances actuelles de la consommation telles que la consommation en ligne, d’occasion, locale et éthique. Elle a publié dans de grandes revues internationales, telles que MIT Sloan Management Review, Journal of Business Research ou International Journal of Research in Marketing. Elle a été citée entre autres dans Newsweek, The Financial Times et New York Times.

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