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Digital Markets Act : décryptage

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Fin mars 2022, les décideurs politiques européens se sont finalement mis d’accord sur les termes de nouvelles règles strictes ciblant les grandes entreprises technologiques. Ils ont ainsi formalisé la loi sur les marchés numériques (ou Digital Markets Act – DMA). 

Ce texte de loi vise essentiellement à renforcer l’interopérabilité et la concurrence dans le secteur technologique. Il vise ainsi à mettre fin aux chasses gardées des Big Tech, pour instaurer un environnement numérique plus ouvert. Mais la réalité est bien plus complexe que cela… Et aujourd’hui, les critiques fusent à l’encontre du DMA, fustigeant notamment la menace qu’il représente pour la propriété intellectuelle. 

Reste à voir comment le texte sera appliqué, et si ses détracteurs ont raison de s’inquiéter… Nous vous proposons dans cet article de décrypter le sujet ! 

 

Digital Markets Act

 

Qu’est-ce que le Digital Markets Act ?

En termes simples, il s’agit d’une liste de choses à faire et à ne pas faire. Elle s’adresse aux entreprises opérant sur le marché numérique au sein de l’Union Européenne. À l’instar du règlement général sur la protection des données, ces règles tendent à limiter le pouvoir des grandes plateformes. Ces dernières sont en effet considérées comme jouissant d’un pouvoir parfois presque hégémonique sur leurs marchés respectifs.

Mais contrairement à la RGPD, le DMA réglemente le marché en s’adaptant à la taille et aux moyens des entreprises. Il ne vise donc pas directement les petites et moyennes organisations (ou du moins, ce sont ses intentions affichées).

Le Digital Markets Act s’adresse plutôt aux géants de la technologie, aux capitalisations boursières dépassant les 75 milliards d’euros. Pour rappel, la capitalisation boursière de Facebook est d’environ 636 milliards de dollars. Celle de Google, quant à elle, est de 1,900 milliards de dollars…

Cette orientation veut donc contraindre les entreprises technologiques les plus influentes à permettre à leurs utilisateurs de recourir à d’autres applications et services via leurs plateformes. Désormais, le détenteur d’un appareil Apple pourrait télécharger des applications ailleurs que sur l’AppStore. La compétition entre les applications Apple et les développeurs indépendants serait ainsi plus juste. 

 

L’enjeu des données et de leur interopérabilité  

En soi, l’essence du Digital Markets Acts est celle d’un Robin des Bois numérique. 

Ces dernières années, la croissance des petites entreprises a en effet été considérablement freinée par l’avance drastique qu’avaient pris les premiers arrivés. La puissance des géants technologiques est notamment alimentée par leur maîtrise de la donnée, qu’ils récoltent en masse et peuvent combiner et utiliser de manière croisée pour vendre des publicités ciblées.

Or, ces pratiques ne sont plus autorisées par le DMA. Ou, pour le formuler autrement, la capacité d’un acteur technologique à utiliser les données de localisation de ses utilisateurs devrait largement être réduite. Une annonce plutôt difficile à avaler pour ces derniers… 

Parmi les éléments du DMA qui impacteront lourdement l’industrie de la publicité en ligne, figurent les limites posées à l’interopérabilité. Les entreprises technologiques ne pourront ainsi plus partager de données entre services sans le consentement explicite de l’utilisateur. Par exemple, il se peut que Meta ne puisse plus partager ses données d’usage entre Facebook, WhatsApp et Instagram.

Une autre partie qui inquiète particulièrement les GAFAM concerne le partage de données et la portabilité. Ce dispositif bloquerait essentiellement l’utilisation de données non publiques des utilisateurs (professionnels ou particuliers) par les entreprises tech.  Les termes actuels en sont encore vagues, et les législateurs européens ont laissé entendre qu’ils pourraient évaluer les dispositions de l’article au cas par cas. Mais concrètement, cela empêcherait les géants technologiques de collecter des données auxquelles d’autres organisations ne peuvent pas accéder !

Cela signifie que les annonceurs n’auraient plus à accepter les chiffres sélectifs – et parfois inexacts – des plateformes sur la base de leur seule bonne foi. Ils auraient désormais accès à davantage de données marketing sur leurs clients et une meilleure appréciation des performances de leurs campagnes !

 

Les critiques adressées au DMA 

Forcer l’interopérabilité entre organisations fait partie des nombreuses propositions qui ont suscité une réaction très mitigée. Et notamment, parce que pour qu’elle soit réellement opérationnelle, elle devrait reposer sur une norme ouverte, largement adoptée par l’ensemble des acteurs, plutôt que sur un enchevêtrement de passerelles, qui complique le partage et rend les processus plus opaques. 

Pour d’autres, le problème vient non pas des dispositifs techniques, mais bien de l’esprit même du Digital Markets Act. Dans une interview donnée au magazine Wire, Julia Weiss, porte-parole de l’application de messagerie Threema, estime que « l’interopérabilité cimenterait le monopole des géants au lieu de le démanteler ».  

En effet, si les utilisateurs d’un service A, connu pour ses mauvaises pratiques, peuvent échanger avec ceux d’un service B, plus vertueux mais payant, ils pourraient profiter de ce dernier sans avoir à payer. Ce qui priverait les plus petits acteurs de leur unique source de revenus !

 

Et pour les annonceurs  ? Les conséquences du Digital Markets Act sur la pub

Le Digital Markets Act pourrait également se révéler un véritable casse-tête pour tout spécialiste du marketing dépourvu d’un plan média diversifié (au-delà des plus grandes plateformes). 

Avec le DMA, les marketeurs devront notamment apprendre à gérer davantage de silos, leur compliquant d’autant plus la tâche. Certes, de nombreux spécialistes du marketing tentent déjà de résoudre ce problème en raison de la fragmentation du suivi et du profilage des utilisateurs (les données tierces étant le plus souvent contenues dans des cookies tiers). Mais le Digital Markets Act promet d’enfoncer encore plus le clou de cette tendance. 

Cette nouvelle régulation, bien que complexe, représente une réelle opportunité pour les entreprises jusqu’à présent limitées par les écosystèmes fermés. On pense notamment aux services de messagerie alternatifs, aux plateformes publicitaires et aux moteurs de recherche en concurrence à Google. La croissance de leur entreprise dépendra désormais davantage de la force de leur stratégie marketing. Et beaucoup moins des caprices des grandes plateformes !

 

Tout doit changer… pour que rien ne change

L’histoire nous a déjà montré que l’enfer était parfois pavé de bonnes intentions. 

Depuis que Microsoft a tué dans l’œuf Netscape en liant Internet Explorer à Windows, les législateurs ont compris l’importance de réguler le marché numérique. Ils restent néanmoins dans une position difficile, et ne peuvent pas être perçus comme ceux qui étouffent l’innovation. Et les initiatives, aussi bonnes soient-elles, arrivent généralement trop tard. 

Les formulations du Digital Markets Act sont aujourd’hui assez vagues. Il y a donc fort à parier que les géants technologiques n’auront aucun mal à y trouver des failles. Ils pourront donc se contenter de faire le strict minimum pour s’assurer d’être conforme, sans que cela soit suffisant pour effectuer de réels changements. 

Le DMA pourrait même favoriser une nouvelle forme de monopole, liant encore plus étroitement le sort des petites entreprises à celui des grandes plateformes. Une tendance à garder en tête, qui risque de ne pas avoir un réel impact sur la plupart des entreprises…

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