Pendant des décennies, la science économique et la Théorie financière ont reposé sur un socle fondateur : la rationalité des agents. La majorité des résultats qui sont enseignés à ce jour supposent le recours à cette hypothèse. Puis vint Daniel Kahneman… Dans les années 70, ce chercheur bénéficiant d’une formation de psychologue et son compère Amos Tversky ont démontré, grâce à des expériences et des articles académiquement très fondés, que les individus « réels » ne répondaient pas aux axiomes traditionnels de la rationalité.
Ainsi,
- Les individus sont influencés par la forme positive ou négative selon laquelle une question est posée (effet de « cadrage »)
- L’aversion au risque ne se manifeste qu’en période de gains et nous devenons appétant au risque en situation de pertes. C’est la position du joueur au casino qui continue à jouer quand il perd.
- La douleur liée à une perte est plus importante que le plaisir lié à un gain de même amplitude, générant une forte aversion à la perte
- Nous avons tendance à créer des tendances pour caractériser des phénomènes qui sont, en réalité, purement aléatoires(simplification des prises de décision par l’heuristique de représentativité)
- Une information facile à trouver (Internet …) aura une importance plus grande qu’une information difficile à trouver (livres ou presse écrite). Il s’agit de l’heuristique de disponibilité.
Etc…
Ces premiers résultats posent les fondements d’un courant académique baptisé « Finance comportementale » dont la finalité est de caractériser le « vrai » comportement d’un individu placé en situation de décision financière. Alimentés par un accès plus facile aux bases de données, les travaux se sont multipliés dans les meilleures revues scientifiques en économie et en finance.
L’effet de disposition (Sheffrin & Stateman, 1985), est une parfaite illustration de l’impact négatif des biais psychologiques sur la performance financière des investisseurs particuliers.
Pour la majorité des investisseurs particuliers, un portefeuille de valeurs mobilières est composé à la fois de titres gagnants (en plus-value) et des titres perdants (en moins-value). Une étude académique réalisée par Odean (1998) montre que, sur la base de 10.000 comptes individuels de 1987 à 1997 (près de 100.000 transactions), les particuliers ont tendance à liquider en priorité les titres gagnants et à conserver les titres perdants, motivés par l’aversion à la perte et la croyance en un retournement de situation.
Le portefeuille est donc progressivement composé de plus en plus de titres perdants et de moins en moins de titres gagnants. D’après Odean (1998), sur une base annuelle, l’impact négatif sur la rentabilité du portefeuille comparé au marché américain est de -3.41%.
D’autres comportements biaisés ont été identifiés tels que l’excès de confiance ou les comportements moutonniers.
Comment éviter d’être pénalisés par les biais psychologiques ?
Deux formes de solution peuvent être identifiés. La première est une bonne connaissance de ces biais très humains afin de les identifier et de les maitriser au mieux. La seconde est de faire appel à des professionnels qui utilisent des outils quantitatifs pour se donner une bonne discipline de gestion. Ainsi, un travail de Shapira & Venezia (2000) montre que, en comparant deux échantillons de clients, l’un gérant son portefeuille et l’autre bénéficiant d’une gestion professionnelle, ce dernier souffre moins de l’impact de l’effet de disposition.
Contenu initialement publié par EDHEC Vox
Pour aller plus loin sur le sujet :
La culture financière des épargnants par Daniel Haguet
A propos du professeur :
- Professeur : Daniel Haguet, PhD
- Discipline : Finance, Finance d’entreprise, Finance comportementale
Daniel Haguet, PhD, est Professeur associé de Finance. Titulaire d’un DEA d’économie et de finance, et d’un Doctorat en finance comportementale, il est également co-président de la Commission pour la Finance Comportementale de la Société Française des Analystes Financiers.