« Le monde est en mouvement. Les savoirs évoluent et tout au long d’une carrière ; il faut donc les actualiser. Se former permet d’embrasser le mouvement plutôt que de le subir ». Pour Maria Bensaoucha, directrice de boutique chez Boucheron, la possibilité de parfaire son mode de management et sa compréhension des rouages d’une entreprise ont semblé naturelles.
Alors directrice-adjointe d’une boutique dans le Sud et maman de deux filles de 13 et 15 ans, elle se lance pendant un an à corps perdu dans l’Executive Master Programme Manager Online de l’EDHEC. Une expérience intense et riche, dont elle n’avait imaginé ni tout ce qu’elle lui apporterait, ni l’impact sur sa vie personnelle.
Alors, quand on reprend ses études après avoir travaillé plusieurs années, le plus souvent en parallèle de son boulot, comment gérer ? Comment faire en sorte d’impliquer au mieux ses proches et d’organiser ses différentes activités pour trouver l’équilibre ?
Tom, Éric et Maria parlent d’expérience quand ils envoient le message positif : « c’est possible ! ». À certaines conditions cependant… Voici leurs conseils prouvés et éprouvés.
1- Présenter le projet à ses proches
La première clé est d’en parler à sa famille. Femme, conjoint(e), mari, enfants, parents… Selon Maria, « ils deviennent plus indulgents quand ils voient que ça nous tient à cœur ».
Éric Séjor, chirurgien, en formation lui aussi au sein de l’Executive Master Programme Manager Online et en reconversion vers l’entrepreneuriat, a tout de suite mis sa famille dans la confidence. « Je suis Papa de trois enfants qui ont 20, 14 et 8 ans. Je leur ai demandé leur avis. Ils m’ont soutenu de manière inconditionnelle, en me disant : ‘fonce’ ! Ils ont eu beaucoup de curiosité pour mon projet ». Stéphane Georg, membre de la même promo que Éric, marié et papa de deux filles de 11 et 14 ans, a discuté du projet avec son épouse avant toute chose.
Pour ce cadre supérieur du BTP aspirant à devenir directeur-adjoint d’une agence de conseil en prévention des risques, il fallait avant tout « discuter avec elle des concessions que la formation allait exiger, car une formation ne se décide pas tout seul, à la légère ». Son épouse, comprenant que ces études allaient ouvrir à son mari des portes professionnelles et le rendre plus épanoui au travail, a été « très favorable au projet ».
Tom Gauquelin, lui, a suivi le Bachelor Online avec une spécialité en management en parallèle de son travail en temps que bras droit en start-up. Aussi membre de l’équipe de France d’escalade, sa compagne savait qu’il allait passer du temps en formation et l’a soutenu dans ce projet ambitieux. « Elle était ravie que je me forme avec l’EDHEC. Je lui avais bien expliqué le temps que cela allait me prendre. Il en est ressorti de la fierté et du soutien, tout s’est fait de manière saine », raconte Tom.
En fonction de la relation qu’on a avec ses proches et en fonction de leur âge, les réactions peuvent différer. Maria a dû être particulièrement pédagogue face à l’incompréhension de ses filles avec qui elle entretient une relation très fusionnelle. « Au début, mes filles ne comprenaient pas trop. J’avais 45 ans : elles ne voyaient pas trop pourquoi je retournais à l’école alors qu’elles m’avaient toujours connue active. Elles avaient aussi peur d’être délaissées, ce qui est normal quand on passe beaucoup de temps avec ses parents ! ».
2- Être conscient du rythme qu’on devra adopter
Ensuite, pour présenter le projet de manière fidèle à sa famille, il faut avoir conscience du temps que la formation va prendre. Pour Tom, qui fait partie de l’équipe de France d’escalade (25 heures d’entraînement par semaine en moyenne) et travaille dans une start-up en forte accélération à temps-plein, la formation allait aussi réduire son temps disponible pour sa conjointe, chose qui était claire dès le début de la formation.
Stéphane, lui, compose avec sa déformation professionnelle, un inconditionnel amour du travail bien fait.« Il faut se lancer en connaissance de cause : cela demande du temps. Pour moi d’autant plus, car sur un cours de 3 heures, je peux y passer 5 heures, car je prends des notes, je repasse certaines séquences… J’aime que tout soit au carré et je fignole. Sachant cela, mes soirées et mes week-ends sont souvent mobilisés pour la formation. J’allais courir le dimanche matin, mais maintenant c’est notre moment en famille. Je ne fais plus que du badminton deux fois par semaine : mes activités sportives ont été partiellement mises de côté pour un temps », explique le professionnel.
Maria quant à elle ne s’est pas tout de suite rendue compte à quel point les 15 heures par semaine en formation allaient être intenses. D’autant que, selon ses dires, le rythme allait également s’accélérer pendant les derniers mois. « Il faut savoir que c’est très dense. Je travaillais le week-ends, le soir, le matin avant d’aller au boulot. À la fin, tout s’est intensifié, pendant trois mois ça a presque été du non-stop. Du côté de ma famille, au fil du temps j’avais de plus en plus souvent des reproches. J’avais l’habitude d’aider mes filles à travailler leurs cours et de passer bien des moments avec elles. J’ai dû apprendre à ménager des moments pour elles et elles à accepter que je passe de plus en plus de temps en formation ».
3- S’organiser, compartimenter
Le troisième élément est la gestion du temps, qu’il faut savoir utiliser à bon escient. Tom relativise pas mal : « des gens comme Xavier Niel, qui reçoivent plus de 1000 emails par jour, sont vraiment over-bookés. Pour les gens comme moi, l’organisation est assez facile à mettre en œuvre. Il faut être très efficace et impliqué dans chaque tâche, et bien tout séquencer pour que ça fonctionne. » Maria, elle, mettait à profit les moments où ses filles étaient couchées et les week-ends.
Pendant la semaine, elle écoutait les cours avant d’arriver à la boutique à 10h en prenant de nombreuses notes, pour préparer son travail du soir. Éric quant à lui est encore en formation pour un an. Il planche sur ses cours le soir lorsque ses enfants s’occupent tout seuls, car il sont selon ses dires « suffisamment grands et autonomes pour s’occuper. »
4- Ménager du temps pour sa vie personnelle
Les quatre apprenants sont formels, il faut aussi et surtout ménager des respirations pour sa vie familiale. « Il n’y a pas de dualité entre la vie pro et la vie perso, c’est une harmonie à trouver », nous explique Tom. Maria se souvient de passages difficiles, où ses filles avaient l’impression qu’elle les abandonnait.
« Je pensais que je pourrais facilement gérer les deux… Or, cela a été un défi. Parfois, j’ai dû travailler au détriment de moments qu’on passait ensemble. C’est si intense, on a tellement envie de réussir, qu’il faut malgré tout ménager des espaces de moments de qualité avec ses enfants, au risque d’abîmer le lien qu’on a avec eux parce qu’on est trop absorbé par la formation. Pour moi s’ajoutait une pression car mon employeur avait payé ma formation. Il me faisait confiance et je devais donc lui faire honneur… Il faut pouvoir assumer ! ».
Stéphane a aussi vu sa femme tirer une sonnette d’alarme au bout de un an. Parti de 7h à 19h et occupé sur sa formation sur la plupart de son temps libre, elle lui a fait remarquer non sans humour qu’ils étaient « devenus colocs ». Il a tout de suite compris qu’il devait dégager plus de temps pour les siens et a rectifié le tir. « Nous essayons de sortir au moins une fois par mois avec ma femme, et je passe plus de temps avec mes filles. Elles ont 11 et 14 ans, c’est particulièrement important de maintenir notre lien ! ».
En fonction de l’emploi qu’on exerce, une bonne solution — celle qu’ont choisie Éric et Stéphane — peut être d’étaler la formation sur deux ans pour diviser par deux le temps passé par semaine à étudier ainsi que le rythme des rendus. « Mon RH avait déjà l’expérience de reprendre ses études en parallèle d’un boulot. C’est lui qui m’a conseillé d’étaler les 666 heures de formation sur deux ans. C’était vraiment une bonne idée parce que déjà comme cela, c’est costaud ! », témoigne Stéphane.
5- Partager l’expérience au quotidien
Une bonne manière enfin de préserver des moments de qualité avec ses proches est de les faire activement participer à la formation. Ils deviennent ainsi les premiers supporters de notre réussite.
« J’ai énormément raconté mon expérience, explique Maria. Mes filles prenaient part à l’aventure, elles avaient entendu parler de mes professeurs, ma coach, les personnes de mon groupe… Ils étaient familiers pour elles. Elles me soutenaient aussi dès que je passais des examens… Je leur racontais les méthodes pédagogiques, parce que cela pouvait les intéresser aussi, après tout elles sont aussi en train d’apprendre ! Ça, c’était un aspect très positif. Quand on reprend ses études, on est tellement dedans, tellement aspirés… Qu’il est primordial de faire en sorte que sa famille fasse aussi partie de l’aventure. »
Le mot de la fin
Pas de doute, il y a autant de réactions possibles que de situations familiales. La clé pour que cela se passe bien se situe à la fois dans la communication et l’organisation – savoir parler de son projet et réussir à ménager une place pour lui dans une organisation toujours harmonieuse dans la sphère privée. En tout état de cause, il ressort des entretiens menés avec les étudiants et diplômés que la formation d’un parent est toujours une richesse. « Même si nos enfants ne comprennent pas tout de suite pourquoi on tient à se former, une fois adultes, ils seront fiers qu’on ait été aussi investis, déterminés et courageux. Je suis convaincue qu’un tel exemple leur servira pour leur propre parcours », conclut Maria, le sourire aux lèvres.